Le travail de Lotfi Benyelles questionne l’inconfort et la perturbation des espaces intimes que vit l’habitant de la ville moderne. Il trouve son origine dans sa chambre d’enfant, à Alger, qui donnait sur l’esplanade d’où De Gaulle avait prononcé son célèbre “Je vous ai compris”. Construite à l’origine pour être un salon, la pièce était devenue à l’indépendance un espace partagé : chambre d’enfants la nuit qu’il fallait réagencer en pièce d’accueil en journée.
Plus tard, une image le frappe : les habitants des bidonvilles sortant des ravins algérois et s’engageant sur les chemins de terre que leurs trajets répétés tracent aux abords des routes.
Adulte, il s’intéresse au minimalisme et à l'Arte Povera. La photographie des années 80 l'inspire un temps, mas l’approche scénique ou les variations autour d’un type lui semblent impossibles à adopter pour le sujet qui l’intéresse, l’expansion urbaine de sa ville natale. Il cherche alors une position de photographe qui autorise un développement du sujet autant que de la forme.
Sensible aux évolutions du théâtre et de la performance, la photographie est pour lui une activité performative. Il procède en mettant son travail en rapport avec celui des gens qui l’entourent. La ville existe par ce que l’habitant en fait et le photographe ne compose pas depuis un point de vue extérieur, il habite cet espace et y agit lui aussi.
Dans son travail, il remet en cause les catégories péjoratives utilisées dans l’aménagement urbain de l’Algérie post-coloniale et plus généralement dans les pays du sud. Les habitants des bidonvilles et des nouveaux quartiers sont pour lui des contributeurs de propositions formelles et participent à la formation d’architectures locales au XXIème siècle.
En parallèle de son travail à Alger, Lotfi a poursuivi sa recherche à Calais en 2016 et à La Courneuve en 2020. Son ensemble photographique Habiter Calais a été exposé au CPIF (Réinventer Calais, 2019) et au Centre Pompidou (Globale resistance, 2020). La ville de La Courneuve lui a confié la mission photographique Mémoires Courneuviennes en 2021. Il a bénéficié d’une bourse de soutien CNAP (2022) pour son projet Vies et formes du nouvel Alger. Ses œuvres ont fait l’objet d’acquisitions par le Centre national des arts plastiques et la Ville de La Courneuve.